Direction Artistique - Curatrice - Architecte 

La boîte aux lettres 

installation de Fiona Meadows dans le cadre de l'exposition Open House - sous la direction de Simon Lamunière - Domaine de Lullin, Genthod, Genève - 2022 


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La maladresse d'une boite à lettres
 

Les boites numériques nous sont devenues indispensables, et celles et ceux qui n’en disposent pas ou peinent à y accéder se trouvent coupés d’un grand nombre d’échanges, mais aussi de toute une vie administrative. Le paradoxe est que c’est toujours la boite à lettres physique, qui, en Occident, marque et atteste d’une adresse, d’un domicile. En France, elle est indispensable pour l’accès aux droits sociaux : santé, minima sociaux, carte d’identité, droits civils, aide juridictionnelle, compte bancaire, scolarisation, création d’entreprise, recherche d’emplois, ... Les sans-abris, les habitants des bidonvilles, des camps et des campements n’ont pas d’adresse et donc, pas de boites aux lettres. Et vice-versa. Concrètement, cela signifie que celles et ceux qui ont le plus besoin de droits sociaux en sont exclus. 

Au début des années 2000, des personnes roms s’installent entre une voie ferrée, un pont et une nationale, à Saint-Denis, au nord de Paris. Elles ont été expropriées de leurs logements en Roumanie car elles n’ont pas de boites aux lettres, preuve de la légalité de leur installation. Et elles ne peuvent obtenir de boite à lettres … sans preuve de cette installation. Cercle vicieux. Arrivés à Saint-Denis, même problème : l’adresse est obligatoire pour l’accès aux droits. Avec l’aide d’un collectif, les enfants du bidonville baptisent leur rue « rue du Hanul » (rue du caravanserail) et attribuent aux baraques des numéros. Pour toutes et tous, sauf pour l’administration, et jusqu’à sa destruction en 2010, il devient le Hanul, un quartier de Saint-Denis.

En France, la question de la domiciliation est en théorie résolue par les Centres communaux d’action sociale (CCAS) qui domicilient les personnes sans abri ou considérées comme telles. Pourtant, et de manière illégale, de nombreuses municipalités exigent des pièces attestant d’une résidence dite « bourgeoise » : factures de téléphone fixe, d’électricité, etc. Selon le collectif « Ecole pour tous », la conséquence est terrible : plus de 100 000 enfants vivant en France ne sont pas scolarisés.

La plupart des Humains ne dispose ni d’adresse, ni de boites aux lettres. Pourtant, ces personnes habitent, vivent, aiment et échangent. La famille implantée là, le nom de l’ancêtre sur le portail, les voisins, chefs de quartiers sont là pour en attester. Inexorablement remplacée par la boite numérique, en transition vers le statut de petit patrimoine, l’habitacle de la boite à lettres résume un moment, celui de la condition occidentale moderne : sympathique pour beaucoup, machine à exclure pour les autres.


Saskia Cousin & Fiona Meadows 



OPEN HOUSE
La pluridisciplinarité est au cœur de la manifestation lancée par Simon Lamunière, ancien commissaire de Art Unlimited à Bâle et spécialiste de l’art de grand format dans l’espace public.

OPEN HOUSE proposera aux visiteurs et visiteuses de découvrir pendant tout l’été des modules habitables ou non, des pavillons, des habitations expérimentales ou mobiles, des sculptures et des installations dans le cadre idyllique du Parc Lullin et de la Plage du Saugy à Genthod. On l’aura compris, le mélange des genres sera au rendez-vous. La balade dans le parc sera accompagnée de réflexions titillées par les tensions entre art et architecture, imaginaire et concret, technologie et artisanat, forme et fonction, cristallisées dans les projets proposés à l’occasion de cette grande exposition autour du concept de l’habitat.

Plus d’une trentaine de pavillons, prototypes et constructions originales seront installés à côté de propositions plus artistiques ou carrément utopiques, imaginées par des créateurs et créatrices suisses et internationaux. Le public pourra découvrir ces objets dans leur véritable dimension, des pièces historiques d’architectes et de designers, comme le Pavillon de Prouvé, maison démontable réalisée par le designer français au sortir de la Deuxième Guerre Mondiale ou la Futuro conçue par l’architecte finlandais Matti Suuronen en 1965, espèce de soucoupe volante inspirée par la conquête de l’espace. OPEN HOUSE invitera également le public à découvrir les réalisations ou prototypes de stars féminines de l’architecture mondiale d’aujourd’hui, telles que l’architecte indienne Anapuma Kundoo, l’architecte mexicaine Frida Escobedo, ou le bureau de Shabi Rahbaran et Ursula Hürzeler, basé à Bâle.

Dès le 11 juin, ce sera donc une édition bien plus touffue que la précédente – marquée par la pandémie –, puisqu'elle réunira plus de 35 projets d'architectes, de designers et d'artistes de Suisse et du monde entier. Seront également montrés plusieurs projets développés par les organisations humanitaires dont le CICR, des hautes écoles et des écoles polytechniques suisses qui dialogueront avec les réalisations de l’atelier Van Lieshout, de Kengo Kuma, Ken Isaacs, ou encore Carla Juaçaba, et les oeuvres de John Armleder, Lang/Baumann, Fabrice Gygi, Maurizio Cattelan et Philippe Parreno, Andrea Zittel, Una Szeemann et Kerim Seiler.

«Notre souhait est de proposer une réflexion sur les formes multiples de l’habitat, qu’il soit mobile, flexible, temporaire, avec en ligne de mire l’idée de pouvoir reconsidérer ce que signifie habiter, à l’aune des bouleversements que nous vivons depuis la fin du XXe siècle : la mondialisation et l’ouverture des frontières se sont assorties d’une croissance de la mobilité des populations qui a été aggravée par l’émergence de nouveaux paramètres géopolitiques et écologiques. En parallèle, cette mobilité a été remise en question par les enjeux migratoires et la crise sanitaire. Tout cela nous force à nous questionner sur ce qu’est l’habitat aujourd’hui et c’est ce que nous proposons avec OPEN HOUSE» affirme Simon Lamunière, directeur et fondateur de la manifestation.


Liste des oeuvres et constructions présentées
  • Alex Shirley-Smith, (Tentsile), Connect classic camping stack 3.0, 2021
  • Andrea Zittel, A-Z Escape Vehicle, 1996
  • Andreas Kressig, Envelop, 2022
  • Angela Luna, (Adiff), The Trench, 2016
  • Annex, Ground Work, 2021
  • Anupama Kundoo, Power House, 2021-2022
  • Atelier Van Lieshout, Drop Hammer House, 2018
  • CICR, Tente familiale, 2021
  • Didier Fiúza Faustino, A Home is not a Hole, 2016
  • Carla Juaçaba (BR)
  • Eduard Böhtlingk, De Markies, Design : 1986, Réalisation : 1995
  • EPFL Laboratoire Alice
  • Fiona Meadows/Saskia Cousin
  • Freeform, Manta
  • Frida Escobedo (MX)
  • Gramazio / Kohler Research, Architecture For Degrowth, 2021-2022
  • HEAD – Genève - Architecture d’intérieur, Refuge Tonneau 21, 2021
  • HEAD-Geneve - Option Construction, Green Door Project ou 24/7, 2021
  • HEPIA, Filiere Paysage, Ha(r)b(r)iter, 2020-2022
  • Jean Prouvé
  • Joëlle Allet, Cloud, 2019
  • John Armleder, sans titre, 1985/2022
  • Ken Isaacs, Fun House, 1969
  • Kerim Seiler, Tender is the Night, 2020
  • L/B, Lang/Baumann, Up #5, 2022
  • Matti Suuronen, Futuro, 1968
  • Marcel Lachat
  • Maurizio Cattelan & Philippe Parreno, Dolce Utopia, 1996
  • Monica Ursina Jäger, Homeland Fiction (a constellation), 2022
  • N55 (Ion Sørvin, Ingvil Aarbakke), Snail Shell System, 2001
  • Nice & Wise Studio (Soňa Pohlová et Tomáš Žáček ), Ecocapsule, 2014
  • Pierre Stéphane Dumas (Bubbletree)
  • Rahbaran Hürzeler Architekten, The Modulora Prototype, 2021-2022
  • RELAX (chiarenza & hauser & co), members only, 2017
  • Shelter Projects, A Place To Call Home, 2021-2022
  • Studio Zeltini (Aigars Lauzis ), Z-Triton, 2020
  • Una Szemann, A Ruin for Fossils, 2022
  • UNHCR et Better Shelter, Refugee Housing Unit, 2010
  • Van Bo Le-Mentzel, 1m2 House, 2013







Le catalogue :
Concevoir des espaces à vivre 


16.5 x 23 cm / 336 pages / 3 mars 2022 - Textes : bilingues 
Edité par Simon Lamunière 
ISBN : 978-3-858818850
-introductions : Open House de Simon Lamunière et Habiter le déplacement de Fiona Meadows

The phenomenon of tiny houses fascinates as much as designing a home and is currently trending in various media. Yet interest in this architectural form is often superficial, driven by fantasies and lifestyle trends. In times of large migratory movements due to climate change, conflicts, or poverty and lack of economic prospects, however, there is an urgent demand for new types of temporary shelter. Open House discusses the topic of temporary housing in architecture, art, design, and humanitarian aid. Eighteen international authors explore the intentions behind such constructions, their underlying principles, and the lifestyle they convey. Their contributions reveal how these concepts relate to the very notion of habitat, to space, to pragmatic criteria, as well as to the time in which they are elaborated. Moreover, they address various issues of individual housing through the featured original installations and spatial experiments.


Contributions de : Joseph Ashmore and Laura Keykoop, Vincent Barras, Donatella Bernardi, Gabriela Burkhalter, Elisabeth Chardon, Gilles Clément, Stephane Collet, Vilém Flüsser, Hans Hollein, Simon Lamunière, Fiona Meadows, Alessandro Mendini, Bruce Nauman, Charles Pictet, Evelyn Steiner, Daniel Zamarbide, and Andrea Zittel.