Direction Artistique - Curatrice - Architecte 

DANS LES BRANCHES
Une cabane habitée 


2019 - Maif Social Club, Paris



© Edouard Richard / MAIF

DANS LES BRANCHES
Une cabane habitée


Les architectes, à chaque changement d’ époque (industrielle , post industrielle , informationnelle), pour re-questionner l’habitat revienne à la question de l’abri minimum qu’est la cabane. La cabane est à l’origine de l’architecture. L’homme, seul dans la nature, après s’être abrité sous un arbre ou dans une grotte, aurait imaginé son premier refuge en rassemblant quelques branches.

Cette construction vernaculaire l’aurait inspiré pour concevoir par la suite d’autres édifices plus complexes. Plus qu’un simple abris individuel, la cabane est ainsi un élément d’union entre les hommes et leur environnement. Si elle est un lieu d’évasion appartenant à l’imaginaires de son inventeur, sa définition et sa conception peuvent toujours être questionnées. A quelle cabane rêvent aujourd’hui nos architectes ? quelle forme lui donner ? quelles usages ? Pour qui?  Où l’installer ?

Plus qu’un simple rêve, la cabane est une invitation au bricolage, une aventure à construire. Elle est modèle de pédagogie et offre à son concepteur le plaisir de la réalisation finale mais aussi l’apprentissage ou l’approfondissement d’une réflexion , le croisement de l’art et de la technique, de la théorie à la pratique. 

Si la cabane est souvent associé à un habitant solitaire, pour remettre en cause l’individidualisme de notre société d’aujourd’hui quelle serait la cabane collective? Pour quels habitants idéaux, incarnés par les nouvelles familles recomposées, ou les  nouvelles tribues de célibataires en colocation?  Quelle forme prendrai ce refuge ? Quelles  hospitalités et solidarités proposerait elle  pour les nomades de passage en ville :  touristes, migrants ou travailleurs saisonniers ? Comment inscrire cet abris dans un cercle vertueux écologique ? Quelle fonction peut elle offrir dans l’ère informationnelle 3.0 (open source, suivre un mook, makers, réseaux sociaux ..) ?

Tout ces questionnements  doivent avoir un impact sur l’habitat. Le projet « Dans les branches, une cabane habitée» proposé par Michèle & Miguel cherche a  les révéler par cette expérimentation. Ces architectes développent un projet utopique qui se construit sur l’idéalisation du mode de vie d’aujourd’hui dans la ville d’aujourd’hui.

Les grandes lignes du projet:

— Tout d’abord pour Michele et Miquel il est essentiel d’ implanter cette cabane dans les interstices et délaissés urbains. Dans la galerie de la  Maif Social Club pour suggérer cela, la cabane s’immisce dans les espaces vides cherchant à trouver le ciel , à ce connecter à la lumière.

— Ensuite, pour eux il est important d’habiter dans la forêt en ville. Que la ville devienne « forêt », qu’elle soit plus organique, végétale pour lutter contre la bétonisation. Pour cela, il est  important que chaque citoyens  participent à cela en plantant des arbres,  devenant acteurs de cette végétalisation, d’où  l’idée d’ habiter les branches, signe de cette nouvelle attitude citoyenne.  

Ils proposent donc d’impalanter une vingtaines d’ arbres dans la galerie de la Maif Social Club, le temps de l’exposition. Il faut noter, qu’il n’est pas question ici de construire la cabane avec les branchages mais de vivre autour et dans des branches en cohabitation avec la nature, sentir les saisons qui passent, d’où l’intitulé de cette cabane.

Pour déconstruire le plan figé de nos logements, cette cabane est constituée par un éclatement de fonctions comme pixélisée en une vingtaine de micro-pièces identiques en taille (4 m2). On traverse cette habitation comme une promenade ouverte à travers son architecture transparente, au milieu des arbres, tout en montant vers le ciel.

C’est une sorte d’architecture proliférante réalisée avec une ossature contemporaine, qui incarne le temporaire, grâce aux échafaudage, sorte de bambous métalliques modernes  qui se montent et démontent en fonction de la ville en construction et en mouvement. D’une légèreté extrême et d’un système industriel en kit comme un jeu d’enfant, recouvert d’une fine membrane de textile transparente laissant la nature pénétrée, cette construction personnifie la mobilité possible en architecture .

Son plan s’organise autour des fonctions de ce qui fait abris : manger , se laver, se reposer, s’intimer, et d’autres qui font l’essence de la qualité de la vie: s’informer, jouer, gazouiller, se retrouver, bricoler , méditer …. pour accueillir ces nouvelles familles de citadins.

Le seuil pour entrer dans la cabane symbolise le lien de son habitat avec la ville. On y trouve un espace pour garer son vélo ou sa trotinette (modes de déplacement doux), des poubelles pour le tri sélectifs et une boite pour recevoir les take-away et autre colis de livraison d’achat internet, sans oublier un frigo solidaire et un espace pour échanger livre et vêtements avec « amis » du quartier.


Dans les branches, une cabane habitée est une sorte d’habitat témoin qui questionne le modèle standard à l’échelle 1 (taille réelle) pour les nouveaux citoyens urbains. L’exposition est une expérience immersive où l’on découvre cet espace émotionnel et fictionnel qui s’inspire des usages d’utilisateurs supposés. Elle témoigne de nos modes de vies changeants  et de l’urgence de chercher des modèles alternatifs. L’abri nous parle d’architecture. Sans lieu fixe ni durée déterminée, ce dernier s’inscrit dans un temps et un espace temporaire : c’est un endroit où se poser, se rassembler, avant de reprendre la route dans notre société en mouvement perpétuel. C’est une expérience d’habiter le pay(U)sage.


Fiona Meadows, commissaire

Exposition produite par le Maif Social Club

Vidéo:
Habitatitude - L'expo - Dans les branches, une cabane habitée


Interview Fiona Meadows et Michel et Miquel par Nao maltese