Direction Artistique - Curatrice - Architecte
LES CASES MUSGUMS
des maisons respectueuses de la Terre
2003-2014 - Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris et au Palais de Porte Doré, N’Djamena
© DR
LES CASES MUSGUMS
des maisons respectueuses de la Terre
Bien que fascinante, étudiée par des spécialistes et reconnue par des voyageurs célèbres tels qu’André Gide, la culture musgum, ancienne et largement présente dans le nord du Cameroun où elle constitue un trait d’union avec le Tchad voisin, reste trop peu connue. L’une des particularités de ce peuple est l’habitat qu’il a inventé : la case musgum, en forme d’obus.
La case musgum, objet architectural unique, construit à la main, très résistant et de conception écologique, se présente comme une grande coupole parabolique. Cette case subsaharienne, spectaculaire par sa taille, peut atteindre dix mètres de hauteur et sept mètres de diamètre. Elle est constituée d’une mince paroi faite d’un savant mélange de terre argileuse mêlée à de l’herbe suksukyi et à des excréments de chèvre. La case musgum n’a aucun renfort structurel de bois, ce sont les motifs extérieurs, de petits contreforts de terre, qui contribuent à la tenue de l’édifice et servent d’échafaudage naturel ,pour permettre aux bâtisseurs de grimper jusqu’au sommet de la coupole, percé d’un conduit de ventilation susceptible d’être couvert pendant la saison des pluies.
Or cette architecture de terre qui constitue l’unité d’habitation des villages traditionnels appartient déjà en grande partie au passé. Au début des années 1990, elle n’existait quasiment plus que dans la mémoire collective. Sa technique n’était connue que, de quelques anciens, les derniers maîtres bâtisseurs. Les Musgums délaissent en effet l’habitat traditionnel pour des cases préfabriquées en béton, plus résistantes aux conditions climatiques et plus faciles à construire. Pourtant, la case musgum est un exemple magnifique de ces “maisons respectueuses de la Terre”, en voie d’extinction.
L’exposition s’est articulée en quatre parties :
- D’abord, l’histoire et la vie quotidienne du peuple musgum prennent forme à partir d’un “récit dessiné” réalisé par Christian Seignobos, chercheur à l’Institut de recherche et développement (IRD). On y verra comment ce peuple des bords du fleuve Logone vit, pêche, navigue…, comment ce peuple de guerriers se défend, et quelle mémoire il garde de son histoire.
- Une “galerie photographique” donne aussi à voir la vie quotidienne des Musgums, cette fois à travers le regard de photographes occidentaux, lors de différentes missions effectuées du début du xxe siècle à nos jours : mission Moll en 1905, Marc Allégret en 1926, Michel Kalt dans les années 1950, Guy Philippart de Foy dans les années 1970 et, plus récemment, dans les années 1990, Renaud Guillou et Jacques- Yves Gucia.
- En troisième lieu, on découvre comment construire une case musgum, à partir de l’expérience du chantier-école mené en 1996-1997 à Mourla par Patrimoine sans frontières, sous la direction de l’architecte Fabien Jamin. En organisant la transmission concrète du savoir-faire des anciens bâtisseurs aux jeunes, ce chantier a abouti à la construction d’une concession de plusieurs cases. Sous la forme d’un story-board, les différentes phases du chantier sont explicitées : la fabrication du matériau de base, les outils, les étapes de la construction, du traçage au sol jusqu’aux finitions.
- En dernier, une série de photographie présentant cinq exemples contemporains d’architecture de terre en Afrique pour différents usages : bibliothèque, marché, école, maison et hôpital pour affirmer que ce matériaux permet des constructions modernes*.
Enfin et surtout, l’exposition a offert l’occasion d’ouvrir un débat architectural sur les réinterprétations possibles de l’architecture traditionnelle musgum. Il ne s’agit pas en effet de réhabiliter pour le muséifier un patrimoine en voie de disparition mais bien d’envisager sa place dans la création architecturale musgum actuelle. Dans cette perspective, il est essentiel de comprendre ses modes de production, d’abord pour consolider les constructions existantes et assurer leur pérennité structurelle (amélioration de la résistance de la terre à la pluie, par exemple), puis pour y intégrer des éléments de confort moderne, dans le respect de l’environnement et en accord avec les possibilités techniques et économiques locales.
Et pourquoi ne pas imaginer l’extension de ce type de construction à d’autres usages que l’habitat : équipements pour la communauté (école, bibliothèque…), aménagements contribuant au développement d’une économie durable locale (chambres d’hôtes, boutiques, ateliers d’artisanat…) ?
La case musgum – par sa conception architecturale et constructive remarquable, par son principe d’autoconstruction vernaculaire, par l’utilisation de matériaux locaux impliquant les habitants dans la réalisation, par son coût modeste adapté à l’économie locale, par son caractère écologique – constitue indéniablement un objet architectural à valoriser dans la préservation du patrimoine rural mondial.
Fiona Meadows, commissaire
Exposition produite par La Cité de l’architecture et du patrimoine et Patrimoine sans frontière
Le catalogue : La case obus - Histoire et reconstitution
ISBN : 2-86364-119-0
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